Je connaissais la famille Blanc quand j‘étais encore étudiante. C‘est une famille
complètement différente de la mienne. Jeanne Blanc était ma camarade de promotion. Un jour elle m‘a invitée à passer les congés scolaires chez elle. Là j‘ai découvert la famille Blanc, un
véritable havre d‘amour. Le couple Blanc m'a considérée comme un de ses enfants. Je me suis sentie très à l'aise durant tout le séjour. C’est un souvenir inoubliable pour moi et j’éprouve pour
eux un respect profond.
Chez moi, chaque fois que quelque chose ne va pas, il me faut absolument en rechercher la cause, trouver le coupable. Oui, c’est très bien, mais il faut voir la suite, si c’était pour
éviter d’autres erreurs, ou pour améliorer la situation, ce ne serait pas si mal … Mais non, c’est simplement pour gronder, pour se disputer ... «Voilà qui a fait cela?". Ma mère criait souvent
quand elle voyait un désordre qui transformait la cuisine en champ de bataille. Mon père rejetait alors la faute sur moi « à cause de toi, Catherine » et c’était encore ainsi quand
notre chat ne revenait pas à la maison le soir ou quand la machine à laver ne fonctionnait plus.
Nous étions éduqués de cette manière. Nous étions habitués à être grondés. Nous devenions aussi violents parfois. Avec le temps, les reproches glissent sur votre peau comme l’eau qui coule sur le
plumage de canard.
Mais dans la famille Blanc, personne ne s'intéressait à celui qui commettait l’erreur,
qui venait de casser quelque chose ou qui causait une injustice. Si un événement malencontreux survenait, ils ramassaient juste les morceaux brisés, les chutes causées par ce malheur et
continuaient à vivre heureux. J’ai ressenti la beauté de cette manière de vivre chez eux, tout spécialement lors du décès de Jeanne, leur fille.
Mme et Mr Blanc ont six enfants : trois garçons, trois filles. L’été de mes 22 ans, les trois filles et moi nous sommes parties à la campagne en voiture. Anne-Marie est la plus jeune, elle
venait d’avoir le permis de conduire. Chacune de nous, à tour de rôle, nous avons pris le volant. Il restait quelques kilomètres avant d’arriver au village où nous nous rendions, nous avons
laissé le volant à Anne-Marie, car nous avons trouvé qu’il n’y avait pas trop de circulation sur la route et qu’il était donc facile de conduire pour Anne-Marie et d’ailleurs elle aimait
conduire. Malheureusement, par manque d’expérience, elle n’a pas vu une voiture qui l’a doublée… L'accident était arrivé. Le tort était pour la jeune conductrice. Jeanne a été tuée sur le
coup. J’ai été la seule qui s'en soit sortie indemne.
Quand Mme et Mr Blanc arrivèrent à l’hôpital. Ils embrassèrent leurs deux filles
blessées, ayant survécu, sans aucun reproche. Des jours après, quand ils ont vu qu’Anne-Marie devait apprendre à marcher avec des béquilles, ils l'ont taquinée comme si rien ne s'était passé.
Des années après, lors d’une rencontre avec Mme Blanc, je lui ai demandé comment elle avait pu annoncer la mort de Jeanne à ses deux autres filles, notamment à Anne-Marie. Elle a dit qu’avec son
mari, ils ont toujours dit à Suzanne et à Anne-Marie qu’ils sont très heureux de les voir en vie. Quant à Jeanne, ils ne peuvent l’oublier. C’était terrible pour toute la famille. Pourtant, les
parents se sont dit qu’il fallait penser à Anne-Marie, elle a encore une vie devant elle. Elle ne pourra pas vivre facilement si l’on dit toujours que c’est elle qui a tué sa sœur. Cette
vérité-là ne sert à rien et ne peut pas faire revenir Jeanne sur cette terre.
Je trouve qu’ils ont raison. Après avoir obtenu le diplôme universitaire, Anne-Marie s’est mariée et elle a eu deux enfants, un garçon et une fille qui s’appelle aussi Jeanne.
Le comportement du couple Blanc m'est toujours matière à réflexion.
Auteur : anonyme - Traduit par Jardinier de Dieu
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