Jardinier de Dieu

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Pourquoi ce nom ? Un de nos jésuites va vous répondre


Lc 12, 54-59 Sachons reconnaître les signes des temps.

Publié par Jardinier de Dieu sur 21 Octobre 2022, 09:56am

Catégories : #2011- 2013 pistes de réflexion Jardinier

Car le "Royaume de Dieu" est proche

Vendredi (29e semaine du temps ordinaire) ; Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 12,54-59.

En ce temps-là, Jésus disait à la foule : " Quand vous voyez un nuage monter au couchant, vous dites aussitôt qu'il va pleuvoir, et c'est ce qui arrive. 55-Et quand vous voyez souffler le vent du sud, vous dites qu'il fera très chaud, et cela arrive. 56-Esprits faux ! L'aspect de la terre et du ciel, vous savez le juger ; mais le temps où nous sommes, pourquoi ne savez-vous pas le juger ? 57-Et pourquoi aussi ne jugez-vous pas par vous-mêmes ce qui est juste ? 58-Ainsi, quand tu vas avec ton adversaire devant le magistrat, pendant que tu es en chemin efforce-toi de te libérer envers lui, pour éviter qu'il ne te traîne devant le juge, que le juge ne te livre au percepteur des amendes, et que celui-ci ne te jette en prison. 59-Je te le dis : tu n'en sortiras pas avant d'avoir payé jusqu'au dernier centime. »

- Acclamons la parole de Dieu

Pour lire les temps, pour lire notre temps

Les signes sont à observer non pas « dans le ciel », mais dans notre monde, dans toutes les réalités humaines. Le rapprochement avec la météorologie indique qu’ils concernent de larges tranches de l’humanité, sinon tous les habitants de la terre, et en tout cas des réalités sociales. Il s’agit de lever les yeux et scruter une réalité à la fois quotidienne et nouvelle, pour l’interpréter. Dans ces réalités humaines, comprises dans toute leur épaisseur, y compris comme porteuses de questions existentielles, le chrétien est invité à reconnaître des signes de réalités divines, à savoir du dessein de Dieu sur l’humanité, depuis l’origine jusqu’à sa fin, en passant par l’actualité. Ce sont des signes du « Royaume de Dieu », réalité finale (eschatologique) en cours de réalisation, dont Jésus annonce qu’il « est tout proche ». Le dessein de Dieu dans l’histoire des hommes fut annoncé par les prophètes, rendu actuel dans la venue du Christ, qui invite à s’y engager.

Pour reconnaître les signes des temps, il convient de croire et comprendre que « c’est le même et unique Esprit de Dieu qui agit dans l’univers, dans l’histoire et le cœur des hommes ». Le présupposé de la démarche de la foi est celle d’une connivence entre la subjectivité des observateurs qui questionnent et l’objectivité des signes.

Qui discerne les signes? Fondamentalement, celui qui est sur un chemin de foi, c’est-à-dire le sujet touché dans sa conscience et animé par l’Esprit Saint, qui reconnaît ces signes. Mais, selon le Concile, c’est aussi ou en même temps l’Église, comme sujet collectif, qui discerne véritablement les signes. Ce point demande explication. Dire « Église », ce n’est pas uniquement désigner les autorités reconnues en elle, mais le « Peuple de Dieu », personnes et communautés. Le charisme de discernement n’a pas à être identifié à celui de l’autorité, il est plutôt celui de la prophétie de Joël rappelée par Pierre : « Vos fils et filles prophétiseront » (Actes 2,17).

Proposons quelques figures de partenaires à privilégier dans ce dialogue en Église, sous la mouvance de l’Esprit. Les humbles et les petits, tout d’abord : ceux dont le Christ a reconnu avec joie qu’ils voyaient ce qui a été caché aux sages et aux savants. Ou encore, selon les Béatitudes : les cœurs purs, les assoiffés de justice, les miséricordieux. Ceux qui sont convoqués au tribunal pour le nom du Christ : depuis les Apôtres, à travers les siècles mais aujourd’hui encore, ils sont toujours nombreux. Jésus les a situés dans la lignée des vrais prophètes. La force de leur parole devant leurs juges est étonnante pour tous, et notamment pour le Peuple de Dieu. Les communautés, groupes et mouvements qui se rassemblent au nom de l’Évangile, et qui s’entraident à plus de foi, d’espérance et de charité dans leur vie. Parfois de « grandes voix » qui résonnent au cœur de beaucoup, des voix « prophétiques ». Enfin les évêques et pasteurs, les responsables de communautés dans leurs rapports vivants avec tous ces partenaires.

L’élaboration concrète des textes de la doctrine sociale de l’Église n’implique pas seulement les autorités hiérarchiques romaines, mais les découvertes de chrétiens engagés socialement, le travail d’institutions de recherche et de réflexion sociales, des observateurs, théologiens et philosophes, tous impliqués dans un vaste dialogue.

Mais y a-t-il des hommes et des femmes qui, sans appartenir de façon visible à l’Église, sont à prendre en considération dans ce discernement? Oui, sans aucun doute, parmi ces « hommes de bonne volonté », ces bergers veilleurs à qui le Seigneur annonce sa Paix, et ces « mages venus d’Orient » qui ont vu « se lever une étoile ». Le Concile l’affirmait dans le passage déjà cité : « dans les événements, les exigences et les requêtes de notre temps auxquels (le Peuple de Dieu) participe avec les autres hommes ».

De tels signes font appel à la conscience humaine, ils provoquent au bien, ils produisent des démarches de conversion (transformation) du cœur.

Questions pour discerner les signes

Chez les sujets qui lisent les signes, quel éveil de la liberté? La lecture du signe entraîne un appel, non un matraquage idéologique; une augmentation de foi, d’espérance et de charité et un engagement actif sans peur des médiations sociales. Quiconque reconnaît dans un événement une provocation à engager sa liberté pour plus de justice ou de vérité ne reconnaîtrait-il pas quelque lumière de l’esprit de Jésus-Christ?

Entre les sujets qui observent les signes, quelle communication? On voit dans l’Évangile et les Actes des Apôtres, des rencontres et une communication entre ceux qui ont été touchés par « l’Esprit ». Quand, dans l’Église ou autour d’elle, se développent de telles rencontres et de telles communautés de discernement, cela à son tour fait signe.

À partir de la réalité elle-même des « signifiants », selon plusieurs critères. D’abord la véracité d’un signe se reconnaît dans son épaisseur humaine. Ensuite dans sa ressemblance avec un événement rapporté dans l’Écriture Sainte comme un signe. Cela vaut même et surtout quand ce signe paraît scandaleux aux yeux du monde, comme la crucifixion de Jésus ou la mort des martyrs. Le signe est dit « des temps », c’est-à-dire dans l’instant vécu, comme la météorologie et l’histoire : un signe apparaît et peut disparaître, tel un éclair ou l’étoile de Mages. Mais il va de l’Orient à l’Occident, et sa trace reste dans la mémoire de ceux qui marchent.

Objets de surprise, de scandale ou d’admiration, les signes des temps n’appellent pas à une simple contemplation esthétique. Ils comportent un appel à répondre, et parfois indiquent le lieu de la réponse. Répondre, c’est agir. Et ceux qui répondent font signe pour d’autres. Le « signe de Jonas » auquel Jésus renvoie ceux qui lui demandent un signe dans le ciel, ce n’est pas que le prophète soit sorti vivant du monstre marin, mais le fait que les Ninivites aient changé de vie à sa parole. Le signe de la Résurrection du Christ, ce n’est pas qu’il apparaisse sur les nuées du ciel, mais que des hommes et des femmes se convertissent à son appel, engageant leurs vies dans l’amour de Dieu et de leurs frères.

 

Olivier DINECHIN s.j., *Département d’éthique biomédicale du Centre Sèvres (Facultés jésuites de Paris). https://www.doctrine-sociale-catholique.fr/ 

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